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La Nouvelle-Calédonie après le Pacte Nickel et la révolte de mai. Carnet de terrain, novembre 2024

Travaillant depuis les années 1990 sur le nationalisme kanak, mon enquête dans le cadre d’Ecoboom portait sur les échos du Pacte Nickel proposé par l’Etat en début d’année 2024. Dans un contexte difficile pour la filière nickel, ce document avait soumis une aide financière aux trois usines de transformation du nickel du Pays à la redirection d’une partie du minerai (brut ou semi-transformé) vers des usines métropolitaines de production de batteries pour voiture électrique.

Au nom de la transition vers la décarbonation en métropole et du « verdissement » de l’économie locale (en proposant de financer un système d’alimentation en électricité des usines moins polluant), l’Etat remettait en question une perspective politique élaborée avec les accords politiques des années 1980 qui avaient ramené la paix entre indépendantistes et non-indépendantistes après les « événements ».

Durant les Accords de 1988 et 1998, les indépendantistes du FLNKS avaient en effet accepté le recul de l’échéance de la discussion sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie pour, dans l’intervalle, consolider l’économie en valorisant notamment la principale ressource de l’archipel. Ils avaient lutté et obtenu des prises de participation majoritaire dans des entreprises minières et métallurgiques, tout en ayant pu faire entendre un bref moment la limitation de l’exportation du minerai brut, jusque-là destiné aux marchés d’Asie-Pacifique.

Le Pacte Nickel (qui évoquait encore la fin des « nationalisations ») revenait donc sur cette « doctrine nickel » qui rompait avec une approche extractiviste coloniale.

Avec la révolte de mai 2024, le Pacte Nickel avait été enterré. Toutefois, deux usines sur trois étaient à l’arrêt… Ce Pacte allaient-il resurgir dans les futures négociations ? Si oui, sous quelle forme ? Que proposaient les partis indépendantistes sur le sujet ? Que disaient les Syndicats, les employés des usines ou les dirigeants d’entreprises ? Qu’en pensaient les jeunes et moins jeunes des quartiers défavorisés, critiques vis-à-vis de la stratégie économique de libération nationale du FLNKS dont ils ne voyaient pas les effets ?

L’enquête m’a menée vers ces différents acteurs. Selon les interlocuteurs, la question de l’avenir du nickel n’avait ni les mêmes contours, ni la même urgence à être traitée en cette période où, pour beaucoup, il n’était plus temps de « construire l’indépendance » mais de l’obtenir dans les négociations. Voici quelques exemples de mes déambulations.


       Mon arrivée à Nouméa en novembre 2024 a coïncidé avec l’allègement du couvre-feu après la révolte kanake déclenchée en mai, mais la ville conservait de nombreuses traces des émeutes.

(Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Je me suis rendue dans le quartier populaire de la Vallée du Tir à plusieurs reprises pour y rencontrés des personnes en quête d’une meilleure prise en compte de leurs revendications suite aux émeutes.

Une affiche Vallée du Tir (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)
Une fin de réunion politique dans ce quartier de Nouméa où on évoque les difficultés socio-économiques (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

J’ai effectué une visite du site industriel de KNS, co-entreprise de la SMSP (à 51% contre 49% pour Glencore)  contrôlée par la province Nord (à 87% et 5% celle des Ȋles loyauté) pour discuter de l’avenir du site après le retrait de la multinationale. Au-delà des emplois perdus (et indemnisés pour quelques temps), l’enjeu restait politique. La province aurait-elle la possibilité de conserver l’usine et avec elle ce qui était un levier de développement de l’entreprenariat local, considéré comme outil d’émancipation ou devrait-elle céder son nickel non transformé ?

Plus un camion ne circulait sur le site (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)
Les camions étaient à l’arrêt sur des parkings (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)
La base vie était déserte (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

En province Sud, où se concentre la population non kanake, l’entreprise Prony Resources attendait également un repreneur.  Son usine – inaccessible à cette date autrement que par mer – produisait un minerai semi transformé convoité par la France pour les batteries électriques. Initialement conçue avec de faibles intérêts calédoniens pour concurrencer l’usine du Nord, elle, proposait depuis un gros conflit en 2021 un modèle d’actionnariat public différent (fournissant une redevance à la province plutôt qu’une maitrise directe sur la ressource via l’actionnariat public dans l’entreprise).

J’ai rencontré des représentants syndicaux de différentes centrales. La plupart – attentifs mais en marge de ce genre de discussions sur les conditions de valorisation locale de la ressource -n’attendaient qu’une chose : la reprise du travail qui supposait encore le rétablissement de l’alimentation de l’usine, coupée depuis les émeutes.

Une discussion avec des représentants de l’USTKE (Union syndicale des Travailleurs Kanaks et Exploités) (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Suite aux contestations de mai, il restait sur l’ensemble de l’archipel des traces des blocages. Certains points de mobilisation avaient voulu gêner autant la circulation routière que l’accès aux mines.

Entrée vers la tribu de Ouaté, peuplée de travailleurs du nickel où réside un ancien dirigeant politique défenseur de la doctrine nickel (Photo Christine Demmer:https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Cette présence soulignait que la question minière était tout autant en suspens que les négociations politiques sur la décolonisation institutionnelle.

Un rassemblement devant ce site, le jour anniversaire de la mort d’Eloi Machoro, leader assasiné par le GIGN en 1985 (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Je me suis rendue à Thio, ville de la première exploitation SLN, l’entreprise historique coloniale longtemps seule transformatrice de minerai. Ici les activités étaient  totalement à l’arrêt depuis les émeutes.

Un ancien point de mobilisaton sur la commune de Thio (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)
Tags à Thio (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Dans les Congrès des grands partis du FLNKS qui se tiennent tous les ans en novembre,  on a parlé beaucoup de stratégie politique. On a aussi parlé d’économie (en général) dans des ateliers dédiés.

Tribune du congrès de l’Union Calédonienne (UC) à Canala (Photo Christine Demmer:https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)
Atelier du Congrès de l’UC (Photo Christine Demmer: https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C)

Toutes les photos sont à retrouver sur: Demmer, C. (2025). La Nouvelle-Calédonie après le Pacte Nickel et la révolte de mai (Version 1). NAKALA – https://nakala.fr (Huma-Num – CNRS). https://doi.org/10.34847/NKL.8A1E189C

 


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Christine Demmer (2 avril 2025). La Nouvelle-Calédonie après le Pacte Nickel et la révolte de mai. Carnet de terrain, novembre 2024. ECOBOOM. Consulté le 18 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13mze


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