Les mines aurifères du bassin amazonien bolivien (1/2)

Par Claude Le Gouill et Nicolas Crespo Sanchez

Avec comme objectif de mieux connaître et comprendre l’activité minière aurifère dans le bassin amazonien bolivien, nous avons réalisé un premier séjour dans le Nord La Paz, avec José Nicolas Crespo, étudiant au CIDES-UMSA qui mène une étude actuellement au sein du projet “Lucha contra el uso de mercurio en las actividades auríferas y reducción de sus impactos” (IRD/WCS). La première étape du « terrain » nous a amené à Rurrenabaque et à Palos Blancos, deux zones historiques de la conservation environnementale en Bolivie. C’est en effet à Rurrenabaque et dans la ville voisine de San Buenaventura que se trouvent les sièges des deux parcs naturels parmi les plus importants de Bolivie : le parc Madidi, qui rassemble plusieurs communautés indigènes du peuple Tacana, et le parc Pilón Lajas qui se superpose aux Terres Communautaires d’Origine (TCO) des peuples indigènes Moseten et Tsimane.

 

La ville de Palos Blancos est quant à elle située à l’extérieure du Pilón Lajas. Elle abrite de nombreux producteurs de cacao de la coopérative El Ceibo, laquelle produit un chocolat certifié internationalement. Les questions environnementales, de défense des peuples indigènes ou encore de certification « biologique » et de « commerce équitable », conduisent les organisations de ces territoires à se mobiliser contre l’avancée du front minier qui menace ces territoires depuis l’Ouest. Le Parc Madidi est ainsi pénétré par plusieurs activités minières et des études ont déjà révélé la contamination des populations indigènes par le mercure déversé en amont dans les rivières ; les poissons qui sont une des principales ressources alimentaires de ces populations sont particulièrement affectés par cette contamination. Le Pilón Lajas, par sa situation géographique, est davantage protégé de ces activités minières mais certains investisseurs miniers cherchent à pénétrer ces frontières, en dehors d’une petite production artisanale historique réalisée par certaines communautés indigènes mosetenes. Quant aux producteurs de cacao, le développement d’une activité minière serait un risque majeur pour le maintien des certifications internationales qui permettent à 600 producteurs de vendre du cacao à la coopérative. La mairie de Palos Blancos – et celle voisine d’Alto Beni – viennent ainsi de déclarer leurs territoires « libres d’activité minière ». Ces tensions entre le front extractif minier et le front conservationniste ont été particulièrement bien exprimées par les gardiens des parcs Madidi et Pilón Lajas que nous avons rencontrés, lesquels sont en première ligne des incrustations de mineurs lors de leurs tournées régulières aux frontières de ces parcs. Des cas de violence ont même été recensées envers ces gardiens, notamment dans le parc Madidi.

Pour plus d’informations : Reportage d’Antoine Chao Parc National Madidi – Mercure et ruée vers l’or en Bolivie

Mais il ne faut pas associer schématiquement la défense de l’environnement et le rejet de l’activité minière à la question indigène. La deuxième étape de notre terrain nous a amené dans les zones aurifères du Nord La Paz. L’exploitation de l’or s’y est développée dans certaines zones depuis plusieurs siècles, mais la région connaît un « boom extractif » depuis les années 1980 et surtout les années 2000 avec une mécanisation accrue des exploitations. Dans ces zones vit le peuple leco qui a historiquement développé une activité minière artisanale. Celle-ci s’est cependant transformée depuis le boom extractif des années 2000 en générant une forte mécanisation qui a considérablement modifié les anciennes pratiques. Si l’activité minière y est toujours considérée comme « artisanale » du fait qu’elle est gérée par des coopératives minières, la mécanisation et le besoin de capital économique amènent les membres des coopératives à faire appel à des investisseurs privés, illégaux, et souvent étrangers, qui s’approprient peu à peu le territoire. Plusieurs communautés parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu. Certaines ont créé des coopératives dites « communautaires », dans le sens où toutes les familles de la communauté sont membres de la coopérative aurifère et les bénéfices sont partagés entre celles-ci. Dans la plupart des cas cependant, les communautés ne perçoivent qu’un faible pourcentage de l’exploitation minière auprès de coopératives gérées par des personnes extérieures au territoire, alors que les berges autrefois très productives pour l’agriculture sont aujourd’hui totalement dédiées aux activités aurifères. Ce pourcentage peut néanmoins apporter des ressources importantes pour les communautés qui disposent de plus de capacités pour négocier avec les coopératives minières, et qui investissent ces dividendes dans des projets collectifs pour la communauté.

Il existe enfin des techniques plus artisanales, comme les carancheras, des petites dragues artisanales qui aspirent le fond avec une sorte d’aspirateur qui déverse les sédiments sur un tapis de lavage. Enfin, il existe la traditionnelle batée, qu’utilise les dénommés barranquilleros qui représentent la couche la plus informelle de l’exploitation minière aurifère. Nous présenterons dans un prochain billet ce secteur artisanal de l’activité minière aurifère.

D’autres missions de terrain sont prévues dans d’autres zones minières, pour comprendre la complexité du boom aurifère bolivien, étant donné que cette activité s’inscrit dans des historicités distinctes d’une région à une autre et que son organisation dépend à la fois des conditions géologiques et des possibilités techniques d’exploitation propres à chaque zone.

Source des images: Le Gouill, Claude (2024) «Exploitations minières, Nord La Paz (juillet 2024)» [Image] NAKALA. https://doi.org/10.34847/nkl.ad4344om

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